La Pédagogie développée

par Rudolf Steiner

 

 Aussi appelée Pédagogie Waldorf


 

 - Une leçon, une journée, une semaine, une année,

 

 un cycle de 8 ans dans une École Rudolf Steiner -

 

 Par Marguerite Doray

 

 Professeur à l’École Rudolf Steiner de Montréal, 1981-2001

 

 

 

 

       Après avoir salué son professeur d’une poignée de main, l’enfant de l’École Rudolf Steiner de Montréal commence sa journée par des récitations poétiques individuelles et collectives, des chants illustrant les saisons, des exercices de volubilité, de la flûte à bec, des jeux mathématiques rythmés ou du calcul mental selon l’âge.

 

         Le contenu de ces premières minutes varie au cours de l’année. Toutefois, son caractère répétitif et dynamique (puisqu'il s'effectue dans le mouvement), est sauvegardé afin de fortifier mémoire, santé et force d’action.

 

         Vers 9 heures, l’enfant s’installe pour le travail écrit. Craies de cire d’abeilles, crayons de couleur ou plume fontaine, selon l’âge, sont étalés devant le grand cahier. Au tableau, son professeur a fait pour lui l’illustration de l’histoire qu’il a racontée l’avant-veille pour amener le contenu de son enseignement et dont il a fait le rappel oral la veille. Un texte accompagne le dessin : il s’agit d’un résumé condensé et poétique créé par son professeur - la beauté de la parole apporte à l’enfant une véritable émotion artistique et une joie nourrissante  pour son âge -. L’enfant crée son propre livre en y reproduisant ces textes et ces images. Graduellement, il sera amené à composer lui-même des résumés ou des descriptions de phénomènes observés et à concevoir leur illustration.

 

        Vers neuf heures trente, on range tout pour maintenant faire revivre en mémoire les images de la leçon de la veille. Chacun participe à sa mesure, stimulé par le professeur qui joue le rôle de chef d’orchestre.

 

            Cette activité est suivie de la présentation du contenu nouveau de la journée sous forme d’histoires racontées, que ce soit pour enseigner les mathématiques ou l’histoire proprement dite, la grammaire ou la géographie, la chimie, la physique, la botanique, la zoologie ou l’anatomie. Chaque matière est présentée en bloc intensif de 3 semaines permettant une meilleure immersion dans le sujet. Le rappel de la matière vue au trimestre précédent est doublement efficace si l’enfant a eu la chance de ‘dormir dessus’. Ainsi ce qui a été mal compris, par exemple dans un bloc de mathématique, a vécu comme question d’un bloc à l’autre, d’un trimestre à l’autre ;  n’accueillons-nous pas mieux une réponse si nous avons pu vivre quelque temps avec la question ?  Les matières comme le Français et les mathématiques sont pour leur part entretenues par des exercices quotidiens de répétition des acquis réservant les ajouts de matière nouvelle pour les blocs intensifs.

 

       Ainsi se termine la ‘leçon principale’ avec le professeur de classe. Il est 10 heures.

 

     Après une récréation à l’extérieur, le reste de la journée prend un caractère différent. Par périodes de quarante-cinq minutes, l’enfant rencontrera différents professeurs spécialisés qui lui enseigneront des matières à un rythme hebdomadaire toute l’année durant, soient : deux langues secondes, de l’Eurythmie (un art du mouvement en groupe qui rend visible la musique et la poésie), les travaux manuels, la gymnastique, la musique, le travail du bois, le jardinage et l’art culinaire. L’enfant retrouvera son professeur de classe en fin d’avant-midi ou en après-midi pour les cours de peinture, de modelage, de dessin géométrique, de théâtre, ainsi que pour les périodes   d’exercices de français et de mathématiques dont nous parlions plus haut.

 

       L'art, au sein de cette méthodologie, n'est pas une fin en soi  mais un processus qui permet à l'enfant d'assouvir son besoin de se réaliser dans ses apprentissages et plus tard, dans la vie.

 

           À trois heures trente, les enfants reviennent à la maison. Là, les devoirs y occupent un temps raisonnable, respectant les besoin des petits de jouer encore et des plus grands de vivre une vie familiale et de s’adonner à un intérêt particulier.

 

    Voici donc comment les enfants des écoles Rudolf Steiner apprennent. Mais, qu’apprennent-ils ?

 

     De commun avec les autres écoles de la province, il y a tout le contenu académique traditionnel : Français, mathématiques, sciences, histoire, géographie, anglais, gymnastique et Arts.

 

        De différent des autres écoles, à l’École Rudolf Steiner on apprend à écrire avant d’apprendre à lire; on lit ce que l’on a écrit et illustré soi-même avant de lire les caractères imprimés des livres. Pourquoi? Pour permettre à l’enfant d’entrer dans le monde abstrait et conventionnel de la lettre avec tout son être, en maintenant le contact entre ses forces de pensée imaginative et sa nature active.

 

             En mathématique, en première année, on présente d’abord les premiers chiffres romains, qui sont plus concrets, puis la numération arabe jusqu’à 60. On  introduit ensemble le concept des quatre opérations mathématiques parce qu’elles correspondent à quatre différentes attitudes complémentaires auxquelles l’enfant peut s’identifier: l’addition accumule, la soustraction donne ou perd, la multiplication réunit les groupes et la division organise le partage.

 

      Chaque année le plan scolaire des Écoles Rudolf Steiner est bâti autour d’un motif, d’un thème, pour permettre à l'enfant de reconnaître son vécu intérieur, ses expériences dans le contenu des histoires que lui présente son professeur.

 

        En première année, c’est le conte de fée qui parle le plus clairement à l’enfant des lois de l’âme humaine, c’est-à-dire de ce jardin intérieur peuplé de ses pensées, de ses sentiments et de ses impulsions à agir, alors qu’en deuxième année ce sont les histoires d’animaux, les fables, qui lui en parle le mieux. Les histoires anthropo-morphiques des plantes et des animaux commencent à tisser un lien qui unit l’enfant à son environnement. On établit ainsi les bases d’un dialogue de l’homme avec la nature.

 

       En troisième année, les histoires de la Bible, de la création du monde jusqu’à l’histoire du peuple hébreux, sont remplies d’images qui correspondent au vécu intérieur de la ‘crise de neuf ans’ pendant laquelle l’enfant se sent chassé du paradis de la petite enfance. L’histoire des premiers métiers des hommes vient apaiser son sentiment de solitude et d’abandon pendant ce passage.

 

            Ce ne sont pas seulement les histoires qui s’adressent à l’âme enfantine dans une école Rudolf Steiner; toutes les matières sont prétextes à déployer devant l’enfant des images de sa vie intérieure.

 

      Par exemple, en quatrième année, après cette crise de neuf ans caractérisée par un ébranlement de son sens de l’unité universelle ressenti depuis sa naissance, on propose à l’enfant l’étude des fractions en mathématiques. L’unité fractionnée où chaque fraction a son individualité propre mais toujours par rapport à l’unité : le mouvement intérieur de l’unité à la fraction, de la fraction à l’unité correspond au mouvement de l’âme de l’enfant de cet âge.

 

          Ce sont des considérations comme celles-là sur la nature humaine qui déterminent le plan scolaire de toutes les classes d’une école Rudolf Steiner.

 

      De la cinquième année jusqu’au secondaire II, l’enfant verra se dérouler l’histoire du développement de la conscience de l’humanité. En puisant d’abord dans les trésors de la mythologie, le professeur choisira pour illustrer cette épopée quelques belles histoires comme celles de ‘Brahmâ, Vishnu et Çiva’ de l’Ancienne Inde, de ‘Gilgamesh’ chez les Perses, ‘d’Isis et Osiris’ chez les Égyptiens ou de ‘Prométhée enchaîné’ chez le Grecs.

 

      À douze ans, ce sera l’histoire romaine car elle correspond le plus à la volonté de ces jeunes de s’affirmer comme citoyen, d’organiser la vie pratique, de réclamer leurs droits… À 13 ans, les métamorphoses de la pensée humaine, du Moyen-âge à la Renaissance, seront contemplées au travers de la biographie de plusieurs grands hommes et femmes comme par exemple Copernic avec qui le Soleil devient le centre du monde et non plus la terre comme on l’affirmait auparavant.

 

         L’Histoire de ces vies humaines, tout en alimentant leur idéalisme, présente à ces jeunes des modèles de qui ils pourront tirer des leçons, au gré de leur liberté.
 

    À quatorze ans, les grandes révolutions scientifiques, politiques et industrielles susciteront un intérêt évident. Un cours de chimie dans lequel on étudie le feu qui transforme les substances touchera tout aussi profondément ces jeunes adolescents, eux-mêmes en transformation et  en quête du feu de l’idéalisme.

 

     La pensée imaginative de l’humanité manifestée dans les mythologies et l’art est de même nature que la pensée de l’enfant de notre époque entre sept et quatorze ans. L’enfance vécue dans l’élément artistique, c’est comme le poisson dans l’eau, c’est comme l’oiseau dans sa forêt.

 

       Ce cycle s’accomplira sous le regard d’un même professeur principal pendant les huit premières années scolaires. Ainsi des liens se tissent entre l’école, la famille et l’enfant et un soutien mutuel peut s’élaborer au fil des ans.
 

   À notre époque, nous ne pouvons plus compter aveuglément sur la tradition pour éduquer l’enfant. Nous avons besoin d’aiguiser notre regard sur la nature humaine dans toutes ses dimensions pour transformer notre enseignement. Dans ce sens Rudolf Steiner apporte une contribution gigantesque à l’éducation du XXIe siècle

 

Marguerite Doray

présentement responsable de la boutique de jouets Waldorf « La Grande Ourse, jouets pour la Vie » à Montréal.